Les nuances du marché immobilier

29 mai 2024

Suite à notre conférence Horizons2024 en avril 2024 et après avoir lu quelques communications sensationnalistes autour de notre industrie, il nous a semblé important d'offrir une vision plus nuancée sur l'immobilier résidentiel luxembourgeois. Nous ne pensons pas qu’une bulle éclate au point que seuls les plus désespérés achètent, ni que tous les défis sont derrière nous et que l’avenir est tout rose. Il y a des signes de reprise, et des éléments à la traîne.

Un point sur la capacité d'achat

Prenons le cas d'un primo-accédant disposant d'un apport de 200 000 € et d'un revenu net mensuel de 10 000 €, qui achète un bien existant avec un prêt sur 25 ans. Lien vers une simulation.

Comme Vincent Quillé de credihome souligne dans une estimation rapide, la hausse des taux de 1,5% jusqu'au pic de 4,5% a fortement diminué leur capacité d'achat de 23%, du 1 230 000€ à environ 940 000€.

Mais une combinaison de facteurs permet désormais à ce couple de retrouver un pouvoir d’achat similaire. "Du côté de l'offre, les prix ont baissé de 15%. Du côté de la demande, des changements tels que l'augmentation du Bëllegen Akt de 20 000 € par personne, la baisse des taux hypothécaires à long terme à environ 3,7% et l'indexation des salaires, récupèrent respectivement et cumulativement 4%, 7% et 6% en pouvoir d’achat."

En conséquence, le bien que notre couple pouvait s'offrir auparavant coûte désormais 1 045 000€. Et leur capacité d'achat de 1 230 000€ est maintenant de 1 100 000 €, soit à peu près le même montant. Leur prêt est cependant passé de 4 370 à 4 700 €/mois.

Des signes de reprise

Au cours du premier trimestre 2024, credihome a connu une augmentation significative de son activité, doublant son nombre de contacts par rapport à la même période de l'année dernière. M. Quillé observe : "les gens recherchent la bonne opportunité, mais ils sont là".

Nexvia, l'agence immobilière, a un partenariat avec plusieurs banques dans le processus d'évaluation pour l'analyse hypothécaire. Pierre Clément de Nexvia commente : "même si l'évolution des prix n'est pas encore très claire, notre analyse préliminaire suggère que la baisse des prix de l'existant pourrait être terminée, avec une augmentation des volumes en interne et chez nos partenaires."

L’impact sur les biens varie considérablement : "les acheteurs deviennent plus sélectifs, influencés par l’élargissement des choix disponibles. L'emplacement et les classes énergétiques sont désormais des facteurs clés. Les faillites récentes ont également semé le doute sur certains petits promoteurs."

Les dynamiques de marché pour les biens existants et les projets sur plan divergent. Alors que le nombre de transactions pour les biens existants a diminué de 35 % sur 12 mois, il a été de 68 % pour les biens sur plan.

Cependant, les investisseurs - qui investissent souvent dans des projets neufs - peuvent désormais prétendre à un Bëllegen Akt de 20 000 €. Mais il reste à savoir si cela suffira à raviver l’intérêt. Kathia Robert du célèbre groupe Thomas & Piron s'est montrée prudente dans son commentaire: "nous remarquons davantage d’appels, nous devons attendre pour voir l'impact des mesures votées récemment et si cela se traduit par une augmentation des ventes."

Des signes de doute

Julien Licheron du LISER s'est également montré prudent dans son analyse : "les volumes dans le neuf sont si faibles qu'il est difficile de présenter une conclusion sur son apparente robustesse sur les prix. Le faible volume nous amène à nous demander s’il s’agit réellement de comparables. L'évolution des pratiques, comme une cuisine aux frais du promoteur, complique le calcul d'un prix moyen. D’après notre compréhension, le marché du neuf est proche de l’arrêt, l’ajustement des prix qui a eu lieu sur le marché de l'existant n’a pas eu lieu pour les biens sur plan."

En ce qui concerne le couple évoqué plus haut, les biens neufs qu'ils auraient pu s'offrir en VEFA n'ont baissé que de 7,5% selon l'indice STATEC. M. Clément nuance ici : "cependant, certains investisseurs, qui possèdent déjà un bien locatif, peuvent voir 2024 comme une année pour vendre et réinvestir. Au-delà du Bëllegen Akt, ils peuvent également préserver pleinement leur plus-value en réinvestissant cette année dans des logements durables ou sociaux."

Tous les médias financiers sont tributaires de chaque mot des banquiers centraux. La baisse des taux tant attendue semble toujours repoussée et M. Quillé prévient ses clients : "certains attendent la baisse des taux d'intérêt. Même si cela est important, il est essentiel de garder à l’esprit que les actions des banques centrales affectent principalement les taux variables. Cependant, la plupart des personnes financent leur bien à des taux fixes, et ces taux prennent déjà compte de la baisse attendue des taux. Essentiellement, tous les changements attendus des taux fixes pour 2024 sont probablement déjà en vigueur."

Des avis

Fräntz Miccoli de Nexvia a partagé quelques déclarations sur la vision de son équipe sur l'avenir du marché.

"Nous n’avons pas non plus de boule de cristal, ni de vision claire. Mais voici quelques points de vue incertains."

  1. Les prix enregistrés publiés chaque trimestre par l'Observatoire de l'Habitat sont publiés avec un décalage, on s'attend à ce qu'ils affichent encore une baisse de prix aux publications de juin-juillet et peut-être septembre-octobre. Malheureusement, cela risque de transmettre une réalité biaisée à travers la couverture médiatique à un moment où le marché pourrait se redresser.
  2. Par rapport aux taux à long terme, les taux courts et variables vont baisser à un rythme beaucoup plus rapide au deuxième, au troisième et peut-être au quatrième trimestre de cette année.
  3. Le retour à une croissance à deux chiffres des prix de l’immobilier ne se produira pas avant les quatre prochaines années, voire au-delà, espérons-le. Peut-être à l’exception d’un rebond technique hors du point bas du marché.

Les mises en garde à ce sujet concernent des scénarios extrêmes dans lesquels une crise économique nécessiterait une intervention massive des banques centrales, réduisant considérablement les taux et, par conséquent, faisant monter les prix ; ou encore là où les tensions internationales pourraient dégénérer en un conflit armé plus vaste qui nous enverrait en territoire inconnu.

Toutes choses égales par ailleurs, la certitude est que nous sommes et serons à un point bas de construction de nouveaux logements qui ne peut que renforcer la rareté structurelle du logement au Luxembourg.